31/01/2005
Paris, le 31 janvier 2005
Monsieur le Ministre,
Vers quelle politique culturelle pour le spectacle vivant allons nous ?
Au cœur de la crise profonde qui agite depuis des mois tous les acteurs du spectacle vivant, la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles a remis à la profession, fin 2004, un document intitulé «Propositions pour le spectacle vivant». Présenté comme un texte d'étape, à discuter, ce rapport témoigne de la volonté de la direction centrale de définir des orientations nouvelles pour nos professions, alors que la crise de l'intermittence déclenchée en juin 2003 a démontré qu'une refondation des politiques publiques pour le spectacle vivant est d'une absolue nécessité.
Les diverses analyses et nombreux rapports nés de cette crise dite «de l'intermittence», qu'ils émanent de syndicats, d'organisations professionnelles, d'experts ou de parlementaires, placent peu ou prou tous les partenaires institutionnels devant leur responsabilité.
Les partenaires sociaux tout d'abord, qui sont renvoyés pour les employeurs à un examen complet des conventions collectives - du privé et du public - et des contrats de travail, qui sont renvoyés pour les salariés aux négociations interprofessionnelles au sein de l'UNEDIC.
Mais aussi les pouvoirs publics, Etat et collectivités territoriales, qui ont largement participé des dérives d'un système d'indemnisation du chômage dont tous les acteurs responsables souhaitent aujourd'hui l'assainissement et la pérennité.
Oui, monsieur le Ministre, nous sommes convaincus qu'il faut désormais fonder un nouveau contrat social pour nos professions du spectacle, appuyé notamment sur des financements à la hauteur des politiques publiques menées ou des ambitions affichées, sur la définition plus claire de nouveaux champs conventionnels, sur des principes d'indemnisation du chômage plus vertueux et incitatifs à la déclaration du travail.
Or, quel constat peut-on dresser en ce début d'année 2005 ?
Nous avons accumulé les analyses et les propositions; les travaux de M. Guillot, expert indépendant que vous avez nommé, ont conforté bon nombre de propositions du SYNDEAC ou d'autres organisations professionnelles. Dans le même temps, vous mettiez en place un fonds transitoire financé par l'Etat et géré par l'UNEDIC pour compenser les effets les plus dévastateurs du protocole signé en juin 2003.
Votre volonté de dialogue a enclenché un processus nouveau. Mais il est inachevé. L'espoir est grand et la concrétisation demeure brumeuse. Nous sommes, monsieur le Ministre, placés devant un réel problème de calendrier. Il est urgent de mettre au travail les partenaires sociaux pour négocier un nouveau protocole d'assurance chômage des intermittents. Nous vous demandons, d'organiser dans les plus brefs délais avec votre
collègue ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, une véritable concertation intra-professionnelle pour proposer le cadre d'un nouveau régime de l'intermittence, avant une négociation interprofessionnelle à l'UNEDIC. À cet effet, il vous appartient de réunir dès à présent, sous l'égide du Premier ministre, un «Valois social de la Culture». La responsabilité du gouvernement à cet endroit est entière. Rappelons que les employeurs du spectacle vivant et enregistré ne siègent pas à l'UNEDIC, ce qui ne facilite pas le dialogue social.
Enfin, s'il s'avérait que l'UNEDIC ne réponde pas à l'attente de toute une profession, alors le recours à la loi serait indispensable. Les partenaires sociaux, les élus et les collectivités, les professionnels, admettent tous que cette crise sociale révèle une crise plus profonde, politique et institutionnelle. A ce nouveau contrat social qu'il est urgent de négocier, il faut adjoindre un nouveau contrat politique entre les artistes, la Nation et les institutions de la République. L'un n'ira pas sans l'autre. Qui finance quoi? Quelles institutions portent quelles politiques pour le spectacle vivant? Quelle contractualisation entre les tutelles pour mettre en œuvre une politique nationale
décentralisée du spectacle vivant?
Oui, les collectivités territoriales ont une part à prendre dans le financement de l'emploi culturel; l'actualité sociale nous le prouve. De nouvelles perspectives partenariales sont à bâtir entre elles et votre ministère. C'est là répondre à l'intérêt général pour que la France développe les acquis historiques d'une décentralisation culturelle féconde et à bien des égards exemplaire. Or ce dialogue essentiel nous semble aujourd'hui en panne. Envisagez-vous une initiative proche en direction des collectivités, en particulier les Régions?
C'est donc dans ce contexte que la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles avance de nouvelles «propositions pour le spectacle vivant «. Le SYNDEAC salue cette initiative, attendue, car cette administration centrale du ministère de la Culture et de la Communication nous avait accoutumés à un lourd et long silence. Ce document, où chacun pourra retrouver quelques unes de ses propositions, nous interroge tout d'abord sur la méthodologie employée. Quel dessein pour le spectacle vivant porte le ministère de la culture secoué par une crise sociale sans précédent?
Tout d'abord, force est de constater que ce document rassemble des propositions qui ne sont ni chiffrées ni datées. Aucun calendrier ne conforte les idées avancées, aucun calendrier ne renvoie à une concertation formalisée entre l'Etat et les collectivités, aucun calendrier ne met en œuvre une série de concertations avec les organisations professionnelles. Aucune proposition n'est assortie de perspectives budgétaires ou d'évaluation chiffrée. Il s'agit donc bien d'un document d'étape et de travail, à cet égard tout à fait incomplet.
Pour le SYNDEAC, au-delà de l'analyse nécessaire de leur pertinence ou de leur faisabilité, cette série de propositions aux objectifs parfois contraires, dont nous cherchons la lisibilité, ne saurait fonder en l'état le nouveau projet dont nos professions ont besoin.
Que pensez-vous de ces propositions? Les estimez-vous suffisantes ? Souhaitez-vous présenter votre politique en direction du spectacle vivant sous la forme d'un catalogue de fiches, fussent-elles pour certaines pertinentes ? Quelle place voulez-vous accorder aux organisations représentatives de nos métiers dans cette nouvelle définition des politiques ? Validez-vous la quasi absence de point de vue de ce document sur les compagnies dramatiques, chorégraphiques, et les ensembles musicaux ? Considérez-vous légitime que les directions régionales des affaires culturelles s'y réfèrent déjà dans la mise en œuvre de leur action, alors qu'aucune concertation ne s'est enclenchée à ce jour ?
Monsieur le Ministre, vous avez déclaré que vous seriez le ministre de «l'emploi culturel» et avez sans conteste favorisé et accompagné un dialogue social et professionnel indispensable. Nous vous demandons aujourd'hui une lisibilité plus grande quant à votre projet pour le spectacle vivant. Nous souhaitons résolument trouver une issue à la crise et le SYNDEAC y prendra toute sa part. Nous sommes aussi résolument déterminés à entendre une parole de l'Etat claire, qui donne à l'action de votre ministère, dans le respect de la déconcentration et des spécificités régionales, une cohérence, un équilibre, un projet. Un dessein national pour le spectacle vivant.
Je vous prie de croire, monsieur le Ministre, à l'expression de ma haute considération.
Stéphane FIÉVET
Président du SYNDEAC
10/07/2003
Déclaration lue en Assemblée générale de la profession, le 10 juillet 2003 à Avignon
Après l'annulation des festivals d'Aix, Montpellier, La Rochelle, Marseille, Rennes…, celle du Festival d'Avignon sonne comme une formidable déflagration dans notre pays. Puisse cet incontestable gâchis nous ouvrir les yeux !
La conduite de la réforme annoncée du régime des annexes 8 et 10 s'est faite au détriment de toute lucidité politique. Voilà des mois que beaucoup d'entre nous rappelons sans cesse au ministère de la culture l'urgence d'une vraie concertation pour penser, ensemble, une véritable refondation de nos modes de production. Depuis des années, le SYNDEAC s'est exprimé avec vigueur et constance pour l'ouverture d'un débat national qui interroge l'ensemble des politiques publiques pour l'Art et la Culture. Nos appels, nos interpellations, sont demeurés vains et voilà qu'au beau milieu d'une crise sans précédent on redécouvre soudain les vertus du dialogue et de la concertation.
La crise de l'emploi dans les métiers du spectacle vivant et de l'audiovisuel ne peut se réduire au simple traitement technique, comptable, d'un fonctionnement du chômage dont chacun s'accorde à convenir qu'il faut le réformer. Pour preuve, dès 2000 les organisations siégeant à la FESAC s'emparaient du problème, parvenaient à un accord avec les syndicats de salariés et proposaient des solutions. Dans le même temps, nous demandions au ministère de la culture une évaluation nationale des modes de production et de diffusion du spectacle vivant en France pour définir les termes d'une relance d'une politique nationale. Or, on a laissé aux partenaires sociaux de l'Unedic le soin d'aborder par le petit bout de la lorgnette ce qui exigeait en réalité une large focale.
Les enjeux mis à jour par cette crise ne sont pas nouveaux. Fallait-il en arriver à un traumatisme de cette ampleur pour qu'ils soient enfin posés, et qu'un ministre de la culture puisse enfin annoncer "dès septembre, un débat national sur le spectacle vivant", et le déblocage au dernier moment de 20 millions d'euros de mesures nouvelles, somme notoirement insuffisante au regard de l'ambition nécessaire ? Fallait-il ce séisme professionnel pour parvenir à une prise de conscience publique qui pose aux yeux de toute la nation l'urgence de ce débat ?
La politique gouvernementale aujourd'hui à l'œuvre accumule les signes d'une régression qui désengage la puissance publique de sa responsabilité à placer l'Art tout comme la recherche en dehors de l'unique logique économique et des règles du marché.
Mais on aurait tort d'imputer le blocage actuel au seul ministère de la culture. Voilà longtemps que les formations politiques ne développent plus aucune pensée sur un projet politique où l'Art et la culture respectivement interrogerait notre devenir et cimenterait une société libre et solidaire.
Nos professions ne se sont jamais autant parlé qu'aujourd'hui. Le formidable mouvement de solidarité qui a vu le jour doit résister aux déchirements du lendemain, aux conséquences économiques et sociales qui apparaissent déjà, aux débats sur les modes d'action à mettre en œuvre (grève ou pas grève, jouer ou ne pas jouer), pour revenir à l'essentiel.
On ne peut qu'éprouver tristesse et amertume de voir des artistes, des techniciens, des responsables d'équipements et de festivals, tous déchirés de ne pas jouer, ne pas rencontrer le public et être contraints à une telle épreuve de force.
Au sortir de cette crise estivale, les sirènes du désenchantement feront entendre leur voix. Il faut dès à présent rebondir et nourrir la solidarité qui nous a réunis. Le 14 juillet prochain, des syndicats d'employeurs du spectacle vivant, sous la coordination du SYNDEAC, invitent l'ensemble des organisations syndicales et professionnelles à une réunion de travail pour préparer ensemble le rendez vous fixé par monsieur Aillagon à la rentrée.
Stéphane FIEVET
Président du SYNDEAC
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